Sujet indissociable de celui des armes, la question des biens à double usage (BDU) occupe une place prépondérante dans les discussions relatives à la sécurité et à la non-prolifération des armes. Si les biens à double usage existaient dès l’Antiquité, leur utilisation a connu une croissance exponentielle dans la période contemporaine, notamment avec l’avènement de la révolution industrielle et le développement des technologies modernes en parallèle des capacités de destruction toujours plus ubuesques.
Désignant “les produits, y compris les logiciels et les technologies, susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire” (article 2 du règlement n° 2021/821), les BDU ont progressivement été soumis à un cadre juridique spécifique compte-tenu de leur importance stratégique et du possible détournement de leur utilisation initialement civile.
Dans un but de lutte contre la dissémination des armes conventionnelles et la prolifération des armes de destruction massive, la coopération internationale apparaît comme un pilier essentiel pour lutter contre ces défis et pour assurer une application cohérente des réglementations à l’échelle mondiale.
Dans le sillage du Comité de Coordination pour le Contrôle des Échanges Multilatéraux (COCOM) de 1949, de l’Arrangement de Wassenaar de 1996 et de la Résolution 1540 adopté par l’ONU en 2004 suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, l’Union européenne a mis en place un cadre réglementaire visant à davantage contrôler les BDU. Succédant aux règlements n° 428/2009, n°1232/2011 et n°2016/1969, le règlement n° 2021/821 du Parlement européen et du Conseil établit une liste détaillée mais non exhaustive (comme cela sera étudié par la suite) de BDU en son annexe 1. De manière illustrative, on peut y trouver :
Bien que non limitative, cette liste joue un rôle essentiel dans la régulation et le contrôle des BDU car fournit une base commune et guide le comportement des États membres lors du contrôle de tels biens.
A ce titre, la Commission publie lorsque cela est nécessaire les mises à jour de l’annexe I par voie d’actes délégués (considérant 24 dudit règlement et tel que prévu à l’article 290 du TFUE), afin de modifier ou de compléter les éléments dit “non essentiels” de la législation en cause, en tenant ici particulièrement compte des “évolutions géopolitiques pertinentes”. A titre illustratif, des actes délégués au règlement n° 2021/821 ont été adoptés en ce sens :
En outre, la Commission doit également publier et “tenir à jour une compilation des listes de contrôle nationales en vigueur dans les États membres” (considérant 25 dudit règlement). Et c’est là le point essentiel d’un tel instrument législatif touchant un domaine aussi régalien que celui des BDU : la prise en compte des positions nationales dans le respect du principe de coopération loyale entre l’Union européenne et ses Etats-membres tel qu’en dispose l’article 4 du Traité sur l’Union Européenne (TUE).
Ainsi, le règlement n° 2021/821 prévoit la possibilité de soumettre des biens à un régime d’autorisation en son article 9, “pour des raisons liées à la sécurité publique, notamment la prévention d’actes terroristes, ou à la sauvegarde des droits de l’homme”.
De même, il prévoit en son article 4 une clause “Attrape-tout” ou “Catch all”, désignant ici le fait que les Etats-membres ont la possibilité d’imposer une autorisation d’exportation pour des biens non listés à l’annexe 1 susceptible d’être destinés, en tout ou partie, à l’un des usages mentionné par le règlement susmentionné. Toutefois, cette faculté est soumise à une exigence de notification de la part de l’État utilisant cette clause, adressée à ses autorités douanières, aux autres autorités nationales compétentes, aux autres États membres, ainsi qu’à la Commission européenne.
Particulièrement applicable lorsqu’un pays est soumis à un embargo sur les armes (de l’UE, de l’ONU ou de l’OCDE), ou lors de situations exceptionnelles telles que des crises sanitaires ou sécuritaires, cette disposition offre une flexibilité dans l’application du règlement n° 2021/821 en permettant une adaptation rapide aux évolutions contextuelles.
De manière illustrative, une telle clause à été invoqué par la France :